Du 30 novembre au 2 décembre 2021 — Esä, site de DUNKERQUE
ATLAS DES INDÉTECTABLES # LA TERRE SUR ÉCOUTE # ATELIER DE CAPTOLOGIE SAUVAGE
Par Emmanuel GRIMAUD (anthropologue, CNRS, programme UPL, Hacking the invisible et Labex PdP, La Terre sur Ecoute), avec la collaboration de Vincent RIOUX (École des Beaux Arts de Paris)
À l'heure de tous les défis écologiques, il n'y a jamais eu autant qu'aujourd'hui de technologies dédiées à la détection, à l'observation, à la captation et à la mesure. Ce que certains n'hésitent plus à appeler « Digital Gaïa » (Vinge, Lovelock), une Terre sur écoute, criblée de senseurs et de capteurs, faisant un avec la Technosphère et produisant peu à peu sa propre base de données, est en marche. Nouvel âge de la captation, où il est possible désormais de mettre à peu près tout ce qui existe sur écoute ou sur observation. Dans cet atelier, il s'agira de prendre au sérieux la remarque d'Yves Citton lorsqu'il nous dit que c'est désormais le bruit de fond (ou les logiques d'arrière-plan) « qui doit faire l'objet de l'attention principale » (Citton, 2013).
Nombreux sont les artistes à s'être emparés de cette question, faisant des films à partir de rush récupéré (found footage) de caméras de surveillance, des enregistrements du cosmos mis à disposition par la NASA pour y détecter des signaux, d'images de caméras de contrôle de l'intérieur de la centrale de Fukushima (Rouy, 2014) pour en faire des oeuvres ou bien mettant au point leurs propres senseurs et capteurs pour se mettre à l'écoute de l'environnement (Martin Howse, écologie des signaux, http://syntone.fr/martin-howse-une-ecologie-des-signaux/). Paradoxalement l'explosion des technologies visant à mettre la Terre sous observation et surtout sur écoute, génère un afflux d'enregistrements (data) au premier abord indéchiffrables, insignifiants ou qui résistent à l'interprétation. Du bruit de fond ou des bruits de fond au pluriel. Les bruits de fond (bruits, images) ne disent pas la même chose selon l'endroit où ils sont collectés, mais c'est ce que les bruits de fond suggèrent de processus méconnus d'arrière-plan, ce qu'ils cachent, brouillent ou rendent indiscernables, les méthodes de lecture et de décodage qu'on leur applique, qui focalisera notre attention dans cet atelier.
En vue de constituer un Atlas des indétectables, qui vise à comprendre, analyser, comparer ce qui se joue dans ces zones trouble de la captation et de la mesure, l'objectif de cet atelier est de réfléchir à la manière dont on peut faire de la captologie sauvage, c'est-à-dire concevoir avec très peu de moyens, ses propres senseurs et capteurs, sans forcément recourir à de la programmation numérique, se faire une station d'écoute amateure avec un vieil enregistreur par exemple, pour se mettre à l'écoute d'un lieu, d'un environnement ou même du silence, ou bien se faire un piège à particules avec des écorces d'arbre. Des écorces de platanes sont en effet utilisées par des géophysiciens aujourd'hui pour capter et mesurer la pollution atmosphérique, les écorces agissant comme des pièges enregistrant une foule d'informations. Comme le dit Melina Macouin (projet Airgeo), les arbres et les écorces fonctionnent comme des "enregistreurs d'informations" dans l'écosystème de la rue. La captologie sauvage pourra trouver son inspiration aussi bien dans l'histoire des pièges les plus traditionnels (Edouard Mérite, Les pièges,Histoire et techniques de piégeage à travers le monde, 1942) que dans les pièges à particules des aérologues (voir aussi la pince à ultrasons Telémaque,https://www.sorbonne-universite.fr/actualites/une-pince-pour-manipuler-des-objets-distance-dans-liss).
Le but de cet atelier sera de se passer dans un premier de tout moyen technologique compliqué et de se mettre en quête d'un matériau, de choses récupérées, low tech, qui pourraient faire office de capteur ou de senseur, pour se fabriquer son propre dispositif de captation sauvage ou sa propre station d'enregistrement, d'écoute ou de collecte de bruit de fond. Cela suppose de s'interroger sur la propension de n'importe quelle surface, matière, vivante ou non vivante, à se faire réceptrice de dépôts, d'empreintes, conductrice d'information, de bruit.
Programme
30 novembre 10h-18h : Expérimentation autour de la balance animique, projet conçu par Vincent Rioux et Emmanuel Grimaud.
1er décembre :
- matin : Captologie sauvage. Une petite histoire des pièges, capteurs et senseurs, présentation par Emmanuel Grimaud et échange sur les dispositifs de captation sauvage à élaborer par les étudiants.
- après-midi : expérimentations à partir des dispositifs de captation mises en place par les étudiants dans la ville de Dunkerque.
2 décembre : poursuite des expérimentations et présentation publique en fin d’après-midi.
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